CLEO de Fred Bernard, Marabulles (editions Marabout), 160 pages, 9,90 euros.
Cléo, de Fred Bernard, est une “fausse nouveauté” de cette rentrée. Il y a an, l’album paraissait chez Nil éditions. Mais sa pré-publication en feuilleton estival dans Libération m’avait laissé assez indifférent (et pour tout dire, j’avais vite abandonné) et pas incité du tout à me plonger dans l’ouvrage. Si le découpage au quotidien ne fonctionnait pas – pour moi au moins – c’est sur la durée et la longueur que le charme agit. Sa ré-édition chez Marabout offre l’occasion de rattraper l’erreur de jugement initial.
Ici, comme avec ses précédentes héroïnes, pétillantes et romanesques, Jeanne Picquigny ou Lily Love Peacock, Fred Bernard – dans un tout autre registre que ses ouvrages Jeunesse où sa réputation n’est plus à faire – réussit encore à donner vie à une femme particulièrement crédible et attachante.
Au premier abord, Cléo est loin des aventurières ébouriffantes qui nourrissaient les récits précédents. Au coeur de ce roman graphique en noir et blanc Elle, c’est une “jeune femme prétendument ordinaire“, jeune parisienne assistante de production à la télé, pas encore trentenaire, “pas la plus belle, mais pas mal quand même“, pas sotte, mais disant des bêtises, pas folle mais faisant des sottises, ayant l’impression d’avoir fait le tour en amour mais recherchant toujours le prince charmant. On la suit dans ses soirées entre copines et ses introspections sentimentales – voire carrément sexuelles – le tout entrecoupée de digressions entre l’Egypte antique dont étaient fans ses parents et le Japon fantasmé auquel elle aspire aller. Une jeune femme “comme tant d’autres“, qui devient unique sous le trait, souple et relâché de son créateur. Soutenu par une voix off qui accompagne tout le récit, un portrait intime et onirique, cru parfois et sensible toujours, qui sonne juste.
Si, plus court, le nez de Cléopâtre eut pu changer la face du monde, les quelques “kilos en trop” de cette moderne Cléopâtre-ci la rendent encore plus craquante et séduisante.






