L’heure des lames, Rob Davis. Editions Warum, 164 pages, 20 euros.
Bear Park a des petits airs de cité britannique. Sauf qu’ici, il pleut des couteaux régulièrement (à “l’heure des lames”). Ici, les parents ne font pas d’enfants, ce sont les enfants qui fabriquent leurs parents, sous forme de machines à vapeur ou de sèche-cheveux. Et les appareils électro-ménagers sont des dieux. La vie est rythmée par la météorloge et la “roue des jours”. Et chacun connaît le jour de sa mort, le “Death Day”.
C’est le cas de Scarper Lee, lycéen associal qui n’a plus qu’une quinzaine de jours à vivre. C’est alors que débarque dans sa vie l’étrange Véra Pike, une nouvelle élève bizarre, qui se fout des conventions et Castro Smith, un black ayant un syndrome d’inférence médicale.
Bientôt, les événements vont se bousculer. Les trois ados fuguent – échappant aux (vrais) lions de la cour de l’école – et vont allumer la “machine à été”. Pendant ce temps, le père de Scarper, une rutilante machine en cuivre s’échappe du hangar ou il était enchaîné. Accompagnés de Véra et de Castro, Scarper part à sa recherche, marchant jusqu’à la mythique “forge des orphelins”, là où les enfants fabriquent leurs parents. Tout à côté de la frontière ultime…
Bienvenue dans la quatrième dimension ! Un univers parallèle, décalé et surréaliste, où la pluie de couteaux qui ouvre l’album est la moindre des incongruités. Ce monde vaguement orwellien et so british, entre l’absurde des Monthy Python et le noir et blanc inquiétant et stylé du Prisonnier, est totalement fantastique mais traité avec le réalisme d’une chronique sociale anglaise. Et ce roman graphique est aussi et surtout centré sur ce moment, également très étrange, de l’adolescence, de la découverte de la vie et de la difficulté à y trouver sa place.
Très imaginatif dans le vocabulaire (bravo pour la traduction à Anatole Pons) comme dans le dessin, traité à la plume et au lavis, Rob Davis amène avec une déconcertante facilité le lecteur à suivre le périple de son trio d’ados. Et une fois en marche, impossible de décrocher, tant on est vite accroché par la quête de Scarper et par la découverte progressive des us et coutumes de ce monde-là. Et l’épilogue résonne comme une douloureuse séparation.
Heureusement, cette Heure des lames s’inscrit dans une trilogie à venir, où les deux prochains albums permettront d’en savoir plus, cette fois, sur la vie de Véra Pike et de Castro Smith. Et ils permettront aussi de retrouver cet univers si envoûtant.







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