Amour, djihad & RTT, Marc Dubuisson. Editions Delcourt, collection Pataquès, 80 pages, 12 euros.
Un album dédié à la fois “aux victimes de l’intégrisme religieux et à ceux des réunions-lunch avec présentations Powerpoint” ne peut laisser indifférent. Surtout quand il est signé Marc Dubuisson, dynamiteur du 9e art au style aussi minimaliste qu’hilarant. Et après avoir évoqué, sans pincettes la religion (plutôt dans son versant chrétien) dans La Nostalgie de Dieu, il s’en prend ici à un sujet donc tout aussi sensible : la radicalisation islamiste.
Dans une administration départementale somnolente mais acquise aux nouvelles manies managériales, Kowalsky, jusqu’ici employé amorphe du 8e étage, s’autoradicalise en regardant vaguement des vidéos sur Internet. Ce parfait crétin n’a bien entendu jamais entendu parler du Coran ni de l’islam, mélange Allah et Aladin, mais entend mener le djihad en séquestrant tous ses collègues, l’agrafeuse à la main. De quoi perturber la bonne marche de l’entreprise, surtout quand le néo-converti occupe la machine à café et qu’il faut statuer pour savoir si la prise d’otages doit être décomptée en heures sup.
Après Team Méluche, voici donc le “team building non consentant“. A savoir une prise d’otages totalement déjantée dans un open space assez proche de celui décrit par James (directeur de cette nouvelle collection Pataquès dont les deux albums font partie).
Une juxtaposition qui, décontextualisée, a de quoi déclencher un certain malaise. Mais à l’aide de ses bonhommes bâton étonnamment expressifs, Dubuisson n’a pas son pareil pour viser juste, faisant ressortir toute l’absurdité de la situation, faisant exploser (de rire) ici, en jouant, sur le mode absurde, avec tous les clichés sur les pseudo-djihadistes incultes tout comme, plus encore, sur les ridicules du monde de l’entreprise moderne.
S’il se montre particulièrement percutant dans ses strips (dans le journal belge 7sur7 et dans les Echos Week-end) ou sur twitter, il peine cependant un peu à tenir la distance sur un récit qui se veut une seule et même histoire sur 80 pages. Mieux vaut alors savourer les gags planche par planche, puisque chaque page contient sa mini-chute gag
Mais en tout cas, Marc Dubuisson réussit, sans conteste, l’exploit de se moquer à la fois de la bêtise terroriste et des “bullshits jobs”. Deux des périls de l’époque, effectivement. Et ce avec le même humour absurde et libérateur. De quoi se revendiquer pleinement du Dubuissonisme.







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