Espèces invasives, Nicolas Puzenat. Editions Sarbacane, 144 pages, 22,50 euros.
La collapsologie, ou l’étude de l’effondrement de notre civilisation, a le vent en poupe ces temps-ci. Avec différents scénarios à la clé, plus ou moins catastrophiques. En bande dessinée, c’est plutôt l’après-effondrement qui est traité, comme récemment avec l’impressionnant cycle du Reste du monde, de Jean-Christophe Chauzy.
C’est donc la première originalité de ce one-shot de Nicolas Puzenat (auteur voyageur ayant beaucoup baroudé en Amérique du sud et résidant désormais à Barcelone) que de décrire la phase amenant vers cette destrution. L’autre originalité, c’est la cause – assez inédite – qui va provoquer ce chaos.
Au départ, c’est pourtant un autre motif qui réunit les protagonistes. Sept scientifiques, reconnus dans leurs domaines – ornithologue, malacologue, parasitologue, entomologiste, etc. – se retrouvent dans le même hôtel de Buenos Aires pour un colloque visant à faire le point sur la situation des espèces invasives, insectes ou mammifères, dans le pays afin d’établir de nouvelles stratégies d’endiguement de ces espèces. Mais très vite, ils vont se retrouver confrontés à un autre type imprévu “d’endiguement”: une vague d’insomnie frappe toute l’humanité, déréglant vite toutes les règles de la société. Dans le huis-clos poisseux de leur hôtel, les relations entre les scientifiques vont également vite se dégrader.
Et si l’humanité était devenue une “espèce invasive” comme une autre, voire plus dangereuse que les autres et si la planète avait décidé de régler le problème pour sa propre survie ? Le propos, qui plane sur tout l’album, reste en arrière-plan. Et l’origine de cette “épidémie ravageuse d’insomnie” demeurera tout aussi inexpliquée. Ici, Nicolas Puzenat, qui signe là son premier roman graphique, a l’intelligence de se centrer sur ses sept personnages, chacun amenant avec lui une part de mystère. Et à maintenir l’action principalement dans le huis-clos de l’hôtel, devenant une sorte de concentré d’humanité en péril. Lorsqu’ils en sortent, c’est pour découvrir une ville – que l’auteur connaît manifestement bien – chaque jour un peu plus chaotique.
D’abord anodines, les tensions entre les protagoniste vont s’accentuer au rythme de la perte de sommeil. Durant les huit jours que dure ce récit, l’angoisse se fait un peu plus présente, porté par un dessin semi-réaliste assez simple, rehaussé de grands aplats de couleurs vives.
Difficile de ne pas être pris dans ce tableau d’un monde – le nôtre – sur le point de s’effondrer et de défaillir, épuisé. Avec un minimum d’effets, Espèces invasives réussit à marquer l’esprit comme une sourde menace.






