
Le policier municipal d’Amiens, à qui Didier s’est adressé, en septembre 2015, n’en est toujours pas revenu :
« Bonjour, qu’est-ce que je risque si j’ai violé ma belle-sœur qui a onze ans ? Elle me relance, mais moi j’ai peur que ma copine elle s’en aille ». Didier, 36 ans, sous curatelle renforcée, est fragile psychologiquement. Son interlocuteur s’en est rendu compte, mais l’affaire était assez sérieuse pour qu’il l’oriente vers la police nationale. Cette dernière a mené l’enquête sérieusement. Elle a même organisé une confrontation surréaliste lors de laquelle Didier s’accusait tandis que sa supposée victime jurait qu’il ne s’était rien passé entre eux. Le parquet a classé l’affaire et aussitôt, Didier a été interné à l’hôpital psychiatrique. En 2018, changement de scénario. C’est la jeune fille, maintenant âgée de 16 ans, qui pousse la porte du commissariat. Elle explique que le 13 juillet, sur le balcon de l’appartement de sa sœur, son beau-frère lui a mis
« une claque aux fesses puis a laissé traîner sa main. Mais en 2015 c’était beaucoup pire ! » précise-t-elle, évoquant des caresses
« en haut et en bas », presque tous les jours. Didier est entendu. Il dit tout et n’importe quoi. Une fois il l’a fait, une fois il est innocent. À l’audience d’octobre 2020, au moins, il a réglé son compas :
« Je ne l’ai jamais touchée, c’est une certitude. J’ai une femme et un enfant, j’ai un travail quand même ! » Le procureur lui rappelle ses
« aveux circonstanciés », à la fois en 2015 et en 2019. L’avocate de la partie civile éteint le sourire que cette drôle d’affaire pourrait susciter. Elle explique que sa cliente – à onze ans ! – a été accusée de provocation parce qu’elle portait un jeans moulant ; que ni sa mère, ni sa sœur ne l’ont soutenue.
Me Moreau, en défense, relativise : « Des aveux ? Si on peut appeler cela des aveux… » Ses arguments sont retenus par les juges : « Monsieur, vous êtes relaxé, parce que vos auditions sont contradictoires et que vous avez été interrogé sans que votre curatrice, le juge des tutelles ne soient informés, ni que vous soyez assisté d’un avocat ».
Quelques heures plus tard, on apprend que le parquet fait appel, qui avait requis dix mois avec sursis : « Dans ce dossier, il y a peu de doute, sauf à faire fi de tout ce qu’on a appris sur les victimes depuis vingt ans. Cette gamine, si elle l’accuse en 2015, elle est toute seule. Sa mère est terrifiante. Elle ne sait rien et elle ne veut surtout rien savoir… » Didier tremble de tout son corps. Le procureur insiste : « C’est si difficile de reconnaître ?”