
“Comment voulez-vous qu’on fasse un procès avec deux fantômes ? » Le procureur a beau râler, on va juger Frédéric, 47 ans. La juge est pragmatique : « De toute façon, comme il part en mer pour des périodes de deux à trois mois, un mandat d’amener serait très compliqué à mettre en place ». Son métier de pêcheur au long cours, Frédéric l’a justement mis en avant quand on l’a accusé de viol : « On est à vingt-six sur un bateau, sans femme pendant trois mois. Alors je sais me contenir ! »Laura n’est pas de cet avis. En février 2014, elle porte plainte pour des faits qui auraient été commis à l’été 2012. Au terme d’une soirée très arrosée, à Abbeville, le père d’une de ses copines se serait frotté à elle, aurait pénétré son sexe puis se serait masturbé sur son dos. « J’ai eu un rapport avec un garçon à 17 ans et après je suis devenue lesbienne, explique-t-elle. Je porte plainte parce que je n’arrête pas d’y penser ».
Frédéric, qui vit chez sa mère dans le Vimeu, quand il ne vogue pas sur les flots, crie au complot : « C’est money, money, money ! Elle sait par ma fille que je gagne bien ma vie. C’est une peste, une grosse allumeuse. Mais elle pourrait être ma fille ! D’accord, j’étais à cette soirée, et c’est vrai qu’on a beaucoup bu, mais j’ai dormi tout habillé ».
Cette affaire, c’est parole contre parole. Quand la plainte tombe dix-huit mois plus tard, quelles constatations peut-on faire ? Les proches témoignent du mal-être de la plaignante le lendemain matin. Ils indiquent également que Frédéric buvait du Ricard à 10 heures du matin avant de se rendre à un ball-trap. Une nièce à lui aurait recueilli ses confidences : « Il m’a dit qu’elle l’avait excité et qu’il avait éjaculé sur son dos ».
L’avocate du marin, Me Sophie Castel, récapitule toutes « les choses qui ne vont pas ». « Elle est agressée une première fois alors qu’elle est en pyjama, elle va dans la salle de bains et elle revient en culotte dans le même lit ? Elle met un an et demi pour porter plainte ? Elle dit qu’il ne l’a pénétrée qu’au bord de son sexe mais elle fait état d’une déchirure du vagin et de saignements ? C’est incohérent ! »
Plus d’une heure s’est écoulée et l’on se dit, comme le procureur, que ce n’est pas facile de faire un procès avec deux fantômes… Jugement : 30 mois de prison dont la moitié ferme mais aménageble sous bracelet électronique. Sur un chalutier, ça va être coton…






