







Désolé, lectrice: je me répète. Il y a une dizaine de jours, j’ai, une fois encore, manifesté avec mes camarades de la CGT contre l’inique et indéfendable réforme des retraites, proposée par le président amiénois Emmanuel Macron, et son affidé, l’inénarrable et ultralibéral Édouard Philippe. Manifester me fait un bien fou. À chaque fois, je retrouve dans le cortège des amis chers, des connaissances. Avec André de Clerck, je refis le monde, en cheminant port d’Amont, regrettant l’âge d’or du communisme en France. En passant devant l’entrée de mon ancien immeuble, juste devant la péniche touristique, j’eus une pensée émue pour toutes les filles et femmes qui me firent le plaisir de m’y accompagner, un jour, une nuit, un soir; quelques semaines, parfois. Je revoyais le visage d’une vieille maîtresse, adorable et élégante panthère qui aimait autant les hommes que les femmes. Elle me comblait de cadeaux et de câlins; j’étais si jeune. Revenons à nos retraites. Un quart d’heure plus tôt, une partie du cortège des manifestants s’engagea dans le hall de la gare SNCF. En bon fils et petit-fils de cheminot, j’en étais, bien sûr. Les fumigènes et lumignons rougissaient l’atmosphère. On se serait cru dans une boîte de nuit, à Tharon-Plage, en juillet 1974, ou dans une gare soviétique pendant la guerre froide. Une estrade se trouvait au milieu du hall. Les manifestants la prirent d’assaut pour hurler leur hostilité à notre bien honni président.


Ne tenant plus en place, je me hissai à mon tour et levai le poing tel un vieil ado du temps de la protestation contre la loi Debré en 1973. Me trouvant subitement ridicule avec mon chapeau de Léautaud et mon pardessus gris de sous-secrétaire d’État à l’aquariophilie, je descendis de la tribune improvisée. L’estrade s’écroula deux minutes plus tard dans un fracas terrible. Plus de peur que de mal: un retraité Gilet jaune commotionné. Voilà pour mes exploits de manifestant. On peut être viscéralement contre notre président honni, on n’en reste pas moins écrivain.




Je me suis rendu, il y a une semaine, au premier Salon du livre de Lambersart que je parrainais. J’eus le plaisir d’y retrouver deux bons copains: Michel Bouvier et Bernard Leconte, tous deux animateurs d’une incisive et amusante émission littéraire, La baraque à livres, sur Radio chrétienne francophone (RCF), à Lille. Ils sont tous deux écrivains. Le premier venait défendre son dernier roman, La folle de la rue Guyale (éd. Gilles Guillon, coll. Belle époque) mais aussi ses autres livres, dont Le silencieux et Lambersart-sur-Deuil, tous deux chez Ravet-Anceau. Le second était venu en visiteur. Retrouvailles de deux copains, mais aussi rencontre d’un auteur: Emmanuel Godo, essayiste et poète, qui signait son recueil de poèmes Je n’ai jamais voyagé, paru chez Gallimard. Il est également auteur d’un roman aux éditions du Cerf, Conversation, avenue de France, 13e, entre Michel Houellebecq, écrivain et Évagre le Pontique, moine du désert, fiction en forme de fable qui pose la question du rôle de l’écrivain dans la société du spectacle. En attendant Debord.
Dimanche 19 janvier 2020.






