Jean-Louis Rambour consacre un tombeau au pianiste Christopher Falzone, un talent fauché en plein vol. Il sera à la Ville aux Livres de Creil les samedi 17 et dimanche 18 novembre.
Sur le plan artistique, le p

ianiste Christopher Falzone était un prodige. À 8 ans, il donnait son premier concert public devant des milliers de spectateurs. Il était extrêmement habile dans la transposition pour le piano. Il savait aussi adorer et s’avouait véritable disciple de Franz Liszt. Il savait faire sonner sur un seul piano une œuvre de Saint-Saëns composée pour deux instruments; il avait le don de donner l’ampleur d’une symphonie à un trio de Tchaïkovski. La musique contemporaine ne l’effrayait pas non plus; il l’avait embrassée avec passion. Elle s’en était allée toute retournée et comblée. Christopher Falzone avait 29 ans quand il eut la mauvaise idée de sauter par la fenêtre du dixième étage de l’unité psychiatrique de l’hôpital de Genève peut-être à cause du traitement médicamenteux de cheval qu’on lui imposait; peut-être seulement à cause de ses fortes tendances suicidaires, selon certains. À moins qu’il se fût tué par amour car, marié à une femme de vingt ans plus âgée que lui, des gens voyaient ça d’un mauvais œil, comme cette infirmière rousse qui s’obstinait méchamment et bêtement – alors qu’elle était au courant – à lui dire: «Vous avez la visite de votre mère.»
Émouvant phénomène
Jean-Louis Rambour, poète et écrivain sensible, consacre un tombeau à l’émouvant phénomène. «Le destin de Christopher Falzone m’a attiré à cause d’un article lu dans un mensuel de musique classique qui contient une rubrique intitulée: «Ils nous ont quittés»…» résume l’auteur qui longtemps a résidé et enseigné dans le Santerre. Chaque mois je la lis et, d’habitude, c’est pour apprendre des choses sur des musiciens de la génération qui me précède. Or, là, il s’agissait d’un jeune homme de 29 ans dont je savais qu’il venait d’obtenir le premier prix au concours international de piano d’Orléans, trois ans plus tôt. Je me suis donc attardé sur cet article parce que le fait divers était exceptionnel. Mais, comme beaucoup d’autres informations, il s’est rangé dans un coin de ma mémoire où il aurait pu rester ad vitam aeternam. J’ai dû me dire: «Quel gâchis!».Et puis c’est tout. Or, cet immense gâchis, je l’ai vécu au plus près, 15 mois plus tard, avec la mort de mon jeune homme à moi, mon fils François. J’ai donc eu l’idée de mêler les deux destins, de faire un nouveau livre sur la mort de François, qui parle de lui sans jamais en parler.» Quand on lui demande pourquoi a-t-il opté entre une forme située entre la poésie et la prose, il répond: «Je suis persuadé qu’en 40 pages, un texte obéissant au fonctionnement, au caractère continu de la prose n’aurait pas dit autant de choses.
La prose, c’est quelque chose qui dure, s’allonge, c’est une construction horizontale tandis que la poésie est une élévation.».
Ce petit livre est un bijou d’émotion et de haute littérature comme Jean-Louis Rambour sait nous en donner à lire. PHILIPPE LACOCHE
Tombeau de Christopher Falzone, Jean-Louis Rambour; peintures de Renaud Allirand; éd. L’Herbe qui tremble; 64 pages; 13€.







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