






Guitariste-chanteur et fondateur du groupe les Papillons noirs, Vanfi a eu l’amabilité de m’inviter, il y a peu, à les rejoindre sur scène pour souffler dans mes harmonicas Marine Band (en La et en Do) et à m’adonner à quelques chœurs. Ce genre d’invitation, toujours, me réjouit. Le concert se déroulait au Race Rock Café, à Longueau. C’était la nuit; il faisait froid. J’étais en forme comme un jeune homme. Un vrai bonheur. La salle du restaurant était pleine comme Janis. La bière, fraîche et bonne. Que demander de mieux? J’arrivais légèrement en retard. Lou-Mary chantait déjà, entourée du groupe, reprenant les chansons cultes des sixties et des seventies, comme elle le faisait, il y a quelques années, à bord de notre groupe: les Scopytones. Je baguenaudais autour des tables, saluais de vieilles connaissances. Soudain, Vanfi me fit un signe. Il était temps de sortir mon petit instrument et de monter sur scène. Si mes souvenirs sont bons, le morceau devait être «La fille du Père Noël», de Jacques Dutronc. Je ne suis pas un virtuose, mais j’adore jouer de l’harmonica diatonique. Ce son cuivré me fait vibrer comme une vieille vitre poussiéreuse lors du mur du son. Nous égrenâmes trois ou quatre autres chansons. Je hochais du chapeau tel un roquentin tout en soufflant des riffs improbables. Retrouver la scène à 64 ans, était-ce bien raisonnable? Mais au fond, au diable la raison. Mes souvenirs me titillaient le cerveau. Je me revoyais dans le garage de la maison de mes parents, rue des Pavillons (noirs!), à Tergnier. C’était en 1970. Je devais être en classe de quatrième. Mon copain Patrick Gadroy venait de m’enseigner une dizaine d’accords et des barrés sur ma guitare Crucinalli qui sentait le bois tendre. Il n’en fallait pas plus pour que nous tentions (Jean-Marc Brazier, dit Zézette, batterie; Yves Boucher, chant; Didier Tonnelet, basse) de former un groupe. Nous massacrions des morceaux des Stones et de Shocking Blue avec le secret espoir de nous produire sur scène; ce qui ne se fit jamais. Quelques années plus tard, je retrouvais Zézette à la MJC locale. Mon bon et regretté copain Dadack nous avait rejoints à la basse. Je me souviens que nous répétions «Simple Sisters», une magnifique composition du divin Procol Harum. J’avais fait l’acquisition chez Victor Flore, rue Pigalle, à Paris, d’une Elli Sound, copie de la SG Gibson. Les filles nous regardaient; nos cheveux étaient aussi longs que nos ambitions. Là encore, point de concerts. Les vacances nous séparèrent; les études aussi. Notre groupe explosa en vol comme un pétard mouillé. Mes premiers vrais concerts, je les fis deux ans plus tard. J’étais au lycée Henri-Martin, à Saint-Quentin. J’avais fait la connaissance de Joël Caron, un saxophoniste-flûtiste fou de jazz et bossa-nova. Il recherchait un bassiste et un guitariste pour Koït, le combo qu’il était en train de former. Mon copain Michel Gazi et moi-même fûmes embauchés. Notre premier concert eut pour cadre une grande fête en plein air, à Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise; la vedette invitée n’était autre que Claude François. Je croisais les Clodettes. Mon cœur battait la chamade. Ce n’était pas le parfum enivrant des danseuses qui me procurait de la tachycardie mais bien la trouille de gratter des accords sur mon Ellie Sound devant des dizaines de spectateurs que j’avais peur de décevoir. L’autre soir, au Race Rock Café, je n’avais plus peur. J’avais juste 47 ans de plus…
Dimanche 8 mars 2020.






